Côme de Médicis

Côme de Médicis ou comment concilier le respect de la République de Florence et l’attractivité princière.
Nous vous parlons souvent des Médicis, famille marchande qui a pris les rênes de la ville de Florence au XVè siècle. C’est de là qu’est issue notre Maisnie, érudits marchands fleurtant avec les pouvoirs en place. au plus près de ses dirigeants, intéressons-nous aujourd’hui à une des manœuvres de Côme.
Mais les circonstances et l’extraordinaire habileté politique de Côme de Médicis les mènent à la tête de l’État florentin à partir de 1427. Leur domination est effective, bien que discrète au début : il s’agit de ne pas froisser les susceptibilités et rien ne serait pire pour leur pouvoir que de se faire passer pour des princes à Florence. Au lieu de cela, ils continuent à jouer le jeu de la République, tout en dominant le gouvernement en sous-main.
Nous sommes alors dans la première moitié du XVème siècle, Côme est un grand mécène, dans une ville qui compte et qui attire de très nombreux artistes. Haut lieu d’un véritable bouillonnement d’idées, d’expériences, de tentatives formelles et techniques, Florence et à sa tête Côme de Médicis va savoir se servir de cette opulence artistique au travers du sculpteur Donatello.
Ce dernier est probablement l’un des artistes les plus représentatifs des évolutions formelles du XVème siècle italien. Il étudie de près les monuments et la statuaire antiques et cherche aussi à rendre la profondeur des espaces. Il sera parmi les premiers artistes à utiliser la perspective mathématique, qui connaîtra une grande fortune par la suite. C’est un artiste innovant, qui mise sur la sobriété et la perfection formelle plutôt que sur les aspects plus décoratifs.
Quoi de mieux pour Côme de Médicis, qui lui aussi veut apparaître comme un homme sérieux mais sobre, sans la pompe et les fioritures des princes. Un prince à Florence ? Jamais ! En revanche, un homme d’État empreint de « gravitas » romaine antique et sans luxe, c’est exactement l’image que le nouveau maître de la ville voulait renvoyer.
L’opération de communication semble réussie : Côme de Médicis est considéré comme le père de la patrie, celui qui a restauré l’équilibre dans la ville et les soupçons de tyrannie ou de volonté princière sont écartés…
ET POURTANT !
Côme de Médicis est ambitieux, pour lui et pour sa famille. C’est très bien de ne pas se donner d’apparence princière quand on s’adresse au peuple de Florence, mais quand on parle au duc de Milan, quand on traite avec le roi de Naples, et même quand on s’adresse au roi de France, ce ne sont plus les mêmes enjeux ! A leurs yeux, il s’agit de ne pas passer pour un simple homme du peuple, marchand-banquier qui aurait un peu réussi. Il faut réussir à être traité comme un égal. Et là, la sobriété n’est plus vraiment de mise… Il fallait trouver un moyen d’éblouir aux princes et à leurs envoyés, mais sans que Florence ne s’en rende compte.
C’est l’art encore qui nous permet de comprendre les intentions de Côme. Il va utiliser son palais privé, symbole de la puissance des Médicis. La façade est incroyable de sobriété et de simplicité : c’est ce que le peuple voit. Mais l’intérieur, et surtout les appartements privés, ne sont accessibles qu’aux cercle le plus restreint, l’élite princière et royale d’Europe. Côme de Médicis va commanditer à un peintre très peu novateur une fresque couvrant toute sa chapelle privée : c’est la chapelle des Mages de Benozzo Gozzoli. Tout y est : un style gothique flamboyant princier, de l’or, des couleurs chatoyantes, des références culturelles communes aux cours princières de l’époque, et les Médicis, représentés dans un cortège princier, notamment le beau jeune homme qui mène le cortège.
Il s’agit de Laurent de Médicis, futur Laurent le Magnifique, petit-fils de Côme et héritier de la famille des Médicis, dans un portrait très flatteur et très largement idéalisé. C’est lui l’héritier de tout le travail de Côme, c’est le successeur dynastique qui doit perpétuer la domination de la famille sur Florence. Côme le sait, c’est le projet qu’il mûrit, et il veut que tous les envoyés et ambassadeurs qui passeraient par Florence le sachent aussi. Cette chapelle, c’est la revendication du statut princier international des Médicis et l’affirmation de leur continuité dynastique.
L’histoire de Côme nous apprend donc qu’un marchand ne place jamais son argent sans attendre qu’il fructifie, d’une manière ou d’une autre. A bon entendeur…

Benozzo Gozzoli .
Fresques de la Chapelle des Mages du palais Médici-Ricardi à Florence, vers 1459-1463.
Dans l’abside, Nativité de Filippo Lippi (original à la Gemäldegalerie, Berlin).
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