« L’Epistre Othea » de Christine de Pizan

Il est des lectures qui ne vous laissent pas indifférent. Et quand vous croisez dans le même ouvrage, une revisite de mythes antiques, un traité sur l’art chevaleresque, auquel vous rajoutez une piqûre de rappel du comportement du bon chrétien, vous savez que vous tenez entre vos mains un ouvrage de Christine de Pizan.
Au travers du manuscrit précieux du XVème siècle (1400-1401), « L’Epistre Othea la deesse, que elle envoya à Hector de Troye, quant il estoit en l’aage de quinze ans » écrit par Christine de Pizan, vous découvrez de courts traités le plus souvent philosophiques.
Plus précisément, il s’agit d’une épître. Une lettre d’une femme, Othéa, déesse de la prudence, derrière laquelle se cache l’auteur.
Le Manuscrit est composé de 150 feuillets de parchemin contenant 19 fascicules. Le texte est écrit en pleine page, composée de 23 lignes. L’écriture, une bâtarde, est d’une seule main.
Un exceptionnel ensemble de textes et d’une centaine de miniatures, de vignettes et d’initiales d’une grâce touchante, qui fixent dans l’œil et dans la mémoire les souvenirs de la fable antique et de l’enseignement chrétien.
De quoi s’agit-il ?
D’un enseignement à un jeune chevalier de quinze ans : son métier, ses devoirs moraux et spirituels. La déesse Othéa s’adresse à Hector pour affermir sa vocation chevaleresque, et lui donne l’exemple de cent personnages mythologiques que Christine commente ensuite.
L’Epître d’Othéa est écrit avec deux genres différents.
Il commence par un texte en vers, à vocation morale, qui s’inspire de la mythologie. Puis, cette partie en vers est commentée en prose. D’abord par une « Glose », qui s’adresse au « bon chevalier » en tirant une morale de l’histoire mythologique. Et ensuite, par une « Allégorie », qui est une interprétation s’adressant au « bon esprit » et qui parle de la vie de l’âme.
Ces ensembles sont au nombre de 100, nombre ayant une grande importance pour Christine de Pizan.
La déesse Othéa n’existe pas dans la mythologie. Plusieurs hypothèses dont la plus vraisemblable est celle d’une contraction et d’une féminisation de la formule « O Theos ». De plus, pour Christine de Pizan, elle est la « déesse de Prudence ».
Les parties en vers représentent une lettre fictive d’Othéa à Hector de Troie, lorsqu’il avait quinze ans. Il s’agit donc d’un livre d’enseignement à un jeune prince. Si Christine de Pizan choisit Hector, c’est d’abord pour des raisons politiques. Elle s’appuie sur le fait que les princes français descendent de la race troyenne, elle en fait donc l’éloge. Ensuite, ce choix impose une sélection dans les histoires du texte, qui seront tirées, soit de la guerre de Troie, soit d’histoires mythologiques.
Nous avons donc un premier niveau narratif avec la vie d’Hector. Et sur un second niveau didactique avec le sujet des vices et des vertus, qui sont organisés en séries : dix commandements, péchés capitaux…
D’après Christine de Pizan, « deux choses sont nécessaires pour bien vivre : la bonne conscience et la bonne renommée. La conscience par rapport à soi, la bonne renommée par rapport au prochain. Celui qui ne se fie qu’à sa conscience et méprise la renommée est cruel. Car c’est la marque d’un cœur noble d’aimer le bien lié à la renommée. »
Allez…. Pour les balaises :
Texte .xiii.
Armeüres de toutes sortes,
Pour t’armer bonnes et fortes,
Te livrera assez ta mere
Minerve, qui ne t’est amere.
Glose xiii
Minerve fu une dame de moult grant
savoir et trouva l’art de faire armeures,
car devant ne s’armoient point les gens
fors de cuir boulu; et pour la grant sci-
ence qui fu en ceste dame l’appellerent
déesse. Et pour ce que moult sceut Hector
armeures mettre en oeuvre, et ce fu
son droit mestier, l’appella Othéa filz
de Minerve, non obstant fust il filz à
la royne Hecuba de Troye; et par sem-
blable non pevent estre nommez tous
les ameurs des armes. Et à ce propos
dit une autorité : « Les chevaliers donnez
aux armes sont à ycelle subgès.
Allegorie .xiii.
Ce qui est dit, que armeures bonnes et fortes
lui livrera assez la mere au bon chevalier, nous
pouons entendre la vertu de Foy qui est ver-
tu theologienne et est mere au bon esperit.
Et que elle livrera assez armeures, dit Chrysostom en
l’Exposicion de la Credo que foy est
la lumiere de l’ame, la porte de paradis,
la fenestre de vie et le fondement de sa-
lut pardurable, car sanz foy ne peut nul
à Dieu plaire. Et à ce propos parle saint
Paul l’apostre : « Sine fide impossibile
est placere Deo. » Ad Hebreos .xi.o capitulo.
Alors . ? Vous avez tenu ?
Sources :
https://legranddepoussierage.wordpress.com
https://www.cairn.info
https://gallica.bnf.fr/
https://mythologiemedievale.wordpress.com
« La mobilisation du mythe d’Ulysse dans l’Epistre Othea de Christine de Pizan » – Antoine Ghislain



Miniature sur vélin du XVe siècle. (Bibliothèque nationale de France, Paris). Ph. Coll. Archives Larbor

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